Dans cette interview, la boutique Quidfacis nous parle de son activité de libraire. Merci aussi à lui d’avoir contribué à la campagne de mon jeu de rôle le domaine de Seedmills.
Présente-toi en quelques mots.
Je suis Alexandre, auto-entrepreneur niveau 34 et à l’origine de la société Quid Facis. Après, que dire d’autre ? A côté de cette activité , je travaille en tant que responsable commercial dans une grande enseigne d’ameublement et d’électroménager. Rien à voir avec le jeu de rôle du coup.
Pourquoi le nom Quid Facis ?
Parce que je cherchais un « truc » qui « sonnait » JdR et que la plupart des noms comprenant « dés » ou bien « dragons » étaient pris, et que je voulais un nom qui sorte de l’ordinaire. J’ai donc cherché des phrases ou autres noms pouvant parler aux rôlistes et aux gamers dans différentes langues. J’ai testé le draconique, l’elfique et le klingon avant de taper sur Google « Que faites-vous ? » en latin. Ce qui donne : « Quid facis ? » et ce qui est bien plus facile à prononcer que le klingon, les adeptes de Star Trek confirment. Ça a bien sonné à mon oreille, ça m’a plu et, indirectement, ça fait que dorénavant tous les MJ du monde parlent de mon enseigne sans le savoir dès qu’ils demandent à leurs joueurs « que faites-vous ? »
Pourquoi avoir monté une boutique jeu de rôle ?
A l’origine de l’origine, je cherchais simplement à me positionner sur cette nouveauté, venue d’Outre-Atlantique, du « MJ pro ». Avec l’appellation moins pompeuse de « animateur ludique ». L’idée étant de faire découvrir le jeu de rôle à des particuliers, bande d’amis ou famille, curieux de découvrir cette activité sans avoir forcément l’envie ou le temps de se bouffer 300 pages de livre de règles et 300 pages de supplément quelconque. Également, utiliser tous les bienfaits du jeu de rôle avec les collectivités et les entreprises.
Ce que j’ai pu faire avant la création officielle de Quid Facis et durant les premières semaines car, très rapidement, un mystérieux virus venu de contrées lointaines frappa notre pays et le monde. Du coup, j’ai profité du confinement pour lire des livres de JdR qui attendaient. C’est, malheureusement, après le confinement que j’ai eu l’idée de la création d’un site internet et la possibilité d’augmenter mon offre par de la vente.
L’idée de la boutique en ligne, pour répondre à ta question, est tout d’abord de permettre à mes clients de trouver, avec mon aide, les livres dont ils ont besoin pour s’affranchir de mes services et rentrer de plain pied dans l’univers du jeu de rôle.
Quel est ton objectif à long terme ?
Continuer de développer Quid Facis et réussir à en faire mon activité principale, tout simplement. Je crois que, comme beaucoup, je rêve simplement de vivre de ma passion. Ce n’est pas facile, loin de là. Le jeu de rôle reste une niche d’activité dans la niche que représente le jeu de société. De plus, les boutiques historiques et les grands du secteur sont, forcément, plus attrayants en de nombreux points. Ce que je comprends tout à fait et ce qui me pousse à m’investir toujours plus afin de pouvoir me faire une place dans ce formidable secteur d’activité.
Combien de livres as-tu dans ton catalogue ?
Si j’en crois les infos sur mon site, j’ai actuellement 542 produits dont 416 livres de jeux de rôle. Et ce nombre continue de grimper. Déjà parce qu’il y a toujours des nouveautés et, ensuite, parce qu’ il y a des joueurs, comme toi, qui m’écrivent régulièrement pour me demander des produits ou des dispo. De manière générale, je rajoute ledit produit sur mon site dans les jours qui viennent (et oui, je n’ai pas forcément le temps de le faire dans l’instant) et les arrivages se font dans la semaine, en général.
Es-tu un grand joueur ?
Pour paraphraser une petite créature verte : « ce n’est que par le jeu que l’on devient grand ». Je ne sais pas si je suis un « grand » joueur. Mais je joue aussi souvent que je peux. Avant le confinement, entre mes animations (donc dans le cadre de Quid Facis) et les parties entres amis où je me retrouvais joueur, j’avais une partie assurée chaque week-end. Début 2020, par exemple, j’étais joueur sur Cthulhu de Sans-Détour, Yggdrasill du 7ème Cercle et je menais une campagne « La Malédiction de Strahd » très bien avancé, on devait être au milieu du scénario, ainsi qu’une partie initiation D&D dans un pub.
Le confinement et les restrictions sanitaires passant par là, mon emploi du temps à côté et mes dispos changeantes durant l’été dernier, je n’avais plus que la campagne Strahd comme activité avant de débuter une campagne « Oblivion » (due au financement participatif de Roll’n Play) en septembre. Puis paff, couvre-feu.
Donc « grand joueur », je ne sais pas. J’essaie en tout cas d’être agréable pour les MJ et inspirant pour les joueurs à côté. Tu sais, par exemple, en faisant du roleplay, rester positif et bienveillant.
Tu es aussi MJ pro, je crois ? Qu’est-ce que c’est ?
Qu’est-ce que c’est ? Et bien, c’est faire, proposer des animations, des découvertes du jeu de rôle ou bien chercher à travailler un aspect particulier lié au jeu de rôle. Certes, beaucoup vont considérer que c’est simplement faire jouer des scénarios du commerce ou écrire les siens avant de les faire jouer. Ça fait partie du job, oui, c’est certain, mais ce n’est pas que ça.
Il faut aussi démarcher des clients, présenter l’activité la plus neutre et le plus basiquement possible dépendant de l’accessibilité du prospect. On ne va pas parler de « roleplay », par exemple, lorsqu’on présente le jeu de rôle à quelqu’un qui ne connaît pas. Le terme est technique et l’explication peut effrayer certaines personnes qui vont, soit nous prendre pour des imbéciles, soit s’imaginer que c’est un truc hyper difficile. On va présenter cela comme un jeu de société narratif. On reste, je dirais, technique et détaché.
Il y a aussi, et surtout, la présentation aux entreprises et aux collectivités ou autres professionnels. Il faut leur présenter ce que ça peut leur apporter à eux, leurs équipes, leur entreprise. Et le travail, une fois le contrat signé, n’a rien à voir avec jouer des campagnes ou des one-shots comme on connait bien. L’approche est bien plus… bah… professionnelle. Ce n’est plus un jeu, c’est un outil de développement, un outil de management, un outil de team-building, un outil, quoi qu’il en soit, en lien avec le souhait du client. Et ensuite, bah le travail de préparation est totalement différent.
Donc, « MJ pro », qu’est-ce que c’est ? C’est une activité inhabituelle, où l’on va chercher à présenter le jeu de rôle sans faire de jeu de rôle et qui demande pas mal de boulot et de casse-tête créatif.
Etes-vous plusieurs à travailler sur ce projet ?
Oui et non. Je suis seul car auto-entrepreneur mais j’ai des amis qui m’aident pas mal et me supportent. Des personnes qui vont faire de la pub pour moi, parler de moi à leur patron, à leur mairie, à leurs amis, partager mes publications sur les réseaux sociaux. Des personnes qui vont me fabriquer des pièces, des outils, comme des figurines 3D sans que je n’aie rien demandé, afin de m’aider tout simplement et de me permettre de me présenter à mes clients avec des outils utiles et pratiques qui les aideront lors de la session de découverte. Des personnes qui vont me proposer des idées et m’aider dans leur mise en pratique.
Comment es-tu tombé dans le jeu de rôle ?
De manière assez… je dirais, non conventionnelle. En fait, j’ai découvert le jeu de rôle durant l’hiver 2006 tandis que, entre deux chapitres de Dracula de Bram Stocker, je me renseignais sur internet sur l’univers des vampires et tout le tralala. Je suis tombé sur un site qui répertoriait toute la culture vampirique. Ce site avait un forum de discussions tout à fait lambda. Et, sur ce forum, il y avait un sous-forum appelé « La Taverne » où, sur celui-ci, les membres du site étaient invités à faire du « jeu de rôle » en rejoignant un clan de la Camarilla. Autant dire, qu’à l’époque, ça ne me parlait pas du tout mais j’avais trouvé le truc fun et sympa.
À la suite de cette première expérience, enfin si on peut appeler ça une expérience, j’ai cherché d’autres forums dans le genre. J’en ai trouvé, j’y ai participé, j’ai écrit de nombreuses et nombreuses lignes avant de créer mon propre forum.
J’avais une boutique ludique dans ma ville, j’y suis allé pour voir à en faire « en vrai » mais l’ambiance de la boutique ne me plaisait pas plus que ça, c’était sombre et glauque, donc je suis sorti sans même acheter un set de dés.
Puis un jour, j’ai découvert que le « jeu de rôle » se pratiquait également sur les MMO, donc j’en ai fait sur MMO (Guild Wars, SWtor, GW2, ESO) avant qu’un groupe de collègues viennent me dire « hey, tu sais faire du jeu de rôle comme Donjon & Jambon ? » et c’est là où j’ai fait ma première partie sur table. Là, l’expérience fut si intense que j’ai laissé tomber les dérivés en ligne pour me concentrer sur la pratique originale, conviviale et tellement sympa du jeu de rôle sur table. J’ai commencé à acheter mes premiers bouquins, puis par la suite j’ai découvert le Grandeur Nature.
Dorénavant, même si quand il m’arrive de lancer un MMO je ne peux m’empêcher de me projeter sur tous les scénarios possibles dans ces univers et sur ces maps, je ne pratique que le jeu de rôle sur table et le GN.
As-tu une citation qui te fait avancer ?
Non. Ou sinon elles sont si nombreuses et si fermement implantées dans ma tête, que j’avance sans y penser. Je pourrais dire « fais le ou ne le fais pas, il n’y a pas d’essai ». Franchement, je ne sais pas, j’en vois quelques-unes sur les réseaux avec lesquelles je vais être en accord, mais je ne les retiens pas assez pour te les ressortir là et dire qu’elles m’inspirent. Ou sinon une citation qui serait du genre « si tu ne le fais pas, personne ne le fera pour toi » ou « tout ce que nous avons à décider, c’est quoi faire du temps qui nous est imparti ».
Ton livre de jeu de rôle préféré ?
Heu… heu… heu. Je dirais que la base, c’est DnD. Je veux dire, pour moi, on peut tout faire avec DnD. Ce n’est pas pour rien que c’est l’univers « par défaut » que je présente en animation. De là à dire que c’est mon préféré… je ne sais pas. Je dirais que, tant qu’il n’y a pas un JdR officiel The Elder Scrolls, je n’aurai pas de préféré.
Pour finir, si tu devais donner 3 conseils aux personnes qui souhaitent créer une boutique de jeu de rôle ?
1 – Malheureusement, et même si notre secteur d’activité est fun, convivial et basé sur le partage, les autres boutiques, quelque soit leur taille, te verront toujours comme un concurrent. Sois conscient de ça si tu penses obtenir des conseils ou de l’aide de leur part.
2 – C’est possible. Même si tu doutes, même si tu n’as pas l’impression que ça avance, même si tu perds de l’argent. Ça reste possible, faut juste continuer, se sortir les doigts et avancer. Si les autres réussissent, toi aussi tu peux.
3 – Sors. Respire. Garde toi un jour off. L’esprit a besoin de s’aérer pour avancer et ta tête va exploser si tu la fais travailler constamment. Sors. Vas voir des gens. L’inspiration est ailleurs, au bord d’une plage, dans une forêt, sur la terrasse d’un café. Sors ta tête du guidon.
Pour commander chez Quidfacis : https://www.quidfacis.fr/